Les députés votent le plafond des remises sur les médicaments génériques à 40%

Introduction : Un vote clé pour l’économie de la santé
Le samedi 8 novembre 2025, l’Assemblée nationale a pris une décision majeure pour le secteur pharmaceutique français : les députés ont voté en première lecture la fixation à 40 % du plafond des remises commerciales que peuvent accorder les laboratoires sur les médicaments génériques. Cette mesure, plus qu’un simple ajustement technique, s’inscrit dans un contexte de tensions économiques et sociales inédites entre l’État, les laboratoires pharmaceutiques, les pharmaciens et la Sécurité sociale.
Pourquoi ce sujet suscite-t-il autant de débats ? Parce qu’il touche à la fois à la pérennité du réseau des pharmacies, à la stratégie industrielle du médicament et à l’équilibre financier de la Sécurité sociale, pilier du modèle social français. Les remises accordées par les laboratoires, longtemps considérées comme un levier d’optimisation économique, sont désormais perçues comme un enjeu de régulation budgétaire et de justice sociale. Ce vote intervient après plusieurs mois de bras de fer entre le gouvernement, les syndicats de pharmaciens et les industriels du médicament, sur fond de mobilisations massives et de menaces de ruptures d’approvisionnement.
Dans cet article, nous allons décrypter les origines de cette mesure, ses conséquences concrètes pour les acteurs du secteur, ses enjeux macroéconomiques, et les perspectives qu’elle ouvre pour l’avenir du marché du médicament en France.
Pourquoi un plafond sur les remises des médicaments génériques ?
Historique des remises et rôle dans la chaîne du médicament
Les médicaments génériques représentent aujourd’hui une part essentielle de la dispensation en pharmacie. Leur modèle économique repose en partie sur les remises commerciales que les laboratoires (génériqueurs) accordent aux pharmaciens. Ces remises, négociées de gré à gré, constituent une source de revenus non négligeable pour les officines, surtout en milieu rural ou dans les zones à faible densité de population.
Depuis 2014, le plafond de ces remises avait été fixé par arrêté gouvernemental, oscillant entre 17 % à l’origine et 40 % plus récemment. Ces marges permettent aux pharmaciens de compenser la faiblesse des honoraires sur la dispensation et de maintenir un réseau de proximité dense, véritable maillage de santé publique.
Les enjeux budgétaires et le rôle de la Sécurité sociale
L’Assurance maladie, confrontée à un déficit structurel et à la nécessité de maîtriser l’évolution des dépenses de santé, voit dans la régulation des remises un levier d’économies. Moins les remises sont élevées, plus la marge des pharmaciens diminue, incitant potentiellement à une meilleure régulation des prescriptions, mais risquant aussi d’affaiblir la viabilité économique des pharmacies. Selon le ministère de la Santé, la réduction des remises doit contribuer à l’effort global de réduction du déficit de la Sécurité sociale, qui reste estimé à plus de 13 milliards d’euros pour l’exercice 2025.
Un contexte de tensions et de mobilisation sans précédent
L’annonce, début août 2025, d’un abaissement provisoire du plafond à 30 % a provoqué une mobilisation inédite des pharmaciens. Grèves, fermetures d’officines, manifestations devant les préfectures et blocages ponctuels de la chaîne d’approvisionnement ont souligné à quel point l’équilibre économique du secteur est fragile. Les représentants syndicaux, notamment la Fédération des Syndicats Pharmaceutiques de France (FSPF) et l’Union des Syndicats de Pharmaciens d’Officine (USPO), ont rapidement dénoncé une mesure "mortifère" pour les petites pharmacies et pour l’accès aux soins en zone rurale.
Le vote du 8 novembre 2025 : ce qui change concrètement
Retour au plafond de 40 % : une victoire pour les pharmaciens ?
Après plusieurs semaines de contestation, le gouvernement a rétabli début octobre, et de façon provisoire jusqu’au 31 décembre 2025, le plafond de 40 % pour les remises sur les génériques. Ce compromis, fruit d’une négociation de dernière minute avec les syndicats, visait à apaiser la colère de la profession tout en maintenant un objectif de maîtrise des dépenses publiques. Le vote du 8 novembre inscrit désormais ce plafond dans la loi, retirant au gouvernement la capacité de le modifier par simple arrêté.
Pour les pharmaciens, ce retour à 40 % est une bouffée d’oxygène. D’après les chiffres de la FSPF, les remises sur les génériques représentent jusqu’à 30 % de l’excédent brut d’exploitation (EBE) des officines, et jusqu’à 50 % pour les plus fragiles ou situées en zones rurales. Une baisse du plafond aurait pu, selon les estimations syndicales, entraîner la fermeture de plusieurs centaines de pharmacies et menacer l’emploi de milliers de salariés.
Modalités d’application et exclusions
Le plafond de 40 % s’applique aux médicaments génériques et également, depuis un arrêté du 6 mai 2025, aux médicaments princeps "alignés" (c’est-à-dire dont le prix a été aligné sur celui du générique). Les biosimilaires restent soumis à un plafond distinct, fixé à 15 %. Les médicaments hybrides bénéficient aussi d’un plafond spécifique.
Le retour au plafond de 40 % est effectif depuis le 8 octobre 2025, sans effet rétroactif pour les transactions antérieures. Il s’appliquera jusqu’au 31 décembre 2025, mais le débat reste ouvert quant à l’évolution de ce plafond à partir de 2026, certains projets prévoyant une baisse progressive à 25 % puis 20 % à l’horizon 2027.
Les conséquences économiques pour les laboratoires et les pharmacies
Impact sur la rentabilité des officines
Pour les pharmaciens, la question des remises est avant tout une question de survie économique. Les marges générées par les remises contribuent à financer :
La réduction des remises aurait donc eu un impact direct sur la capacité des pharmacies à maintenir leur niveau de service et leur réseau de proximité.
Effets sur les laboratoires génériqueurs
Pour les laboratoires pharmaceutiques, le plafond des remises constitue un enjeu de compétitivité. Un plafond trop bas rend moins attractif le marché français, déjà soumis à une politique de prix bas sur les génériques. Certains industriels, comme Teva, Mylan ou Biogaran, ont alerté sur le risque de désengagement progressif du marché français, au profit de pays où les marges sont plus élevées et la concurrence moins féroce.
De plus, les remises sont un outil de différenciation commerciale entre laboratoires, permettant d’obtenir des parts de marché dans un secteur très concurrentiel. Une remise trop encadrée limite la capacité des laboratoires à innover dans leurs relations commerciales avec les officines.
Sécurité sociale : un équilibre fragile entre économie et accès aux soins
Pour la Sécurité sociale, la question est double : il s’agit de réaliser des économies sans fragiliser le réseau officinal, qui joue un rôle clé dans l’accès aux soins. Le risque d’une réduction trop brutale des remises serait un transfert de coût vers l’hôpital ou, pire, une rupture d’accès aux médicaments pour certaines populations.
Selon la CNAM, chaque point de remise en moins pourrait générer jusqu’à 100 millions d’euros d’économies annuelles, mais ces chiffres sont contestés par les syndicats, qui estiment que le coût social (fermetures, perte d’emploi, hausse des hospitalisations) n’a pas été suffisamment pris en compte.
Les acteurs clés et la dynamique des négociations
Les syndicats de pharmaciens : FSPF, USPO, UNPF
Les syndicats de pharmaciens ont joué un rôle central dans la mobilisation contre la réduction du plafond. La FSPF et l’USPO, en particulier, ont multiplié les actions de lobbying, les grèves et les campagnes médiatiques pour sensibiliser l’opinion publique et les décideurs politiques. Leur message : sans remises suffisantes, les pharmacies rurales seraient les premières victimes, aggravant la désertification médicale.
Le gouvernement et le ministère de la Santé
La décision initiale de baisser le plafond à 30 % a été portée par le gouvernement, dans le cadre du Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) pour 2026. C’est la ministre de la Santé, épaulée par le ministre délégué chargé des Comptes publics, qui a défendu la mesure devant l’Assemblée, arguant de la nécessité de réduire le déficit sans augmenter les prélèvements obligatoires.
Après la mobilisation massive des pharmaciens et de nombreux élus locaux, le gouvernement a finalement accepté de rétablir provisoirement le plafond à 40 %, tout en insistant sur le caractère temporaire de la mesure et la nécessité de poursuivre la réforme à moyen terme.
Les laboratoires pharmaceutiques
Du côté des industriels, le débat a révélé des lignes de fracture entre les grands groupes (Sanofi, Servier, Teva, Mylan, Biogaran…) et les petits laboratoires français, plus vulnérables à une réduction de marge. Les laboratoires ont mis en avant le risque de désengagement du marché français, la fragilisation de la filière industrielle locale et la possible hausse des ruptures d’approvisionnement en cas de démotivation des acteurs.
Enjeux macroéconomiques et tendances de fond
Un marché du générique sous pression en Europe
Le marché français du générique, longtemps dynamique, subit aujourd’hui la double pression de la régulation des prix et de la concurrence internationale. Selon l’Association Générique France, la France affiche l’un des taux de pénétration du générique les plus faibles d’Europe de l’Ouest (environ 35 % en volume contre plus de 60 % en Allemagne ou au Royaume-Uni). Cette situation s’explique par :
La régulation des remises est perçue par certains experts comme un frein supplémentaire à l’attractivité du marché français, au risque de favoriser les importations parallèles ou de générer des ruptures d’approvisionnement.
Perspectives : vers une réforme structurelle du modèle de rémunération ?
Le débat sur les remises met en lumière les limites du modèle actuel de rémunération des officines. Plusieurs pistes sont aujourd’hui à l’étude pour sortir de la dépendance aux remises et assurer un financement plus pérenne du réseau officinal :
Le gouvernement a annoncé l’ouverture, d’ici la fin de l’année 2025, d’une concertation avec les syndicats de pharmaciens et les industriels pour repenser le mode de rémunération et d’incitation à la substitution générique, afin de garantir à la fois l’accès aux soins et la soutenabilité financière du système.
Quelles conséquences pour les patients et l’accès aux soins ?
Un risque de désertification médicale accru
La fermeture potentielle de plusieurs centaines de pharmacies, en particulier dans les zones rurales et les quartiers populaires, ferait peser un risque majeur sur la continuité des soins. Les pharmaciens sont souvent le premier recours de santé pour de nombreux Français, et leur disparition aurait des conséquences sanitaires et sociales importantes.
Le prix du médicament générique restera-t-il attractif ?
À ce stade, la fixation du plafond des remises ne modifie pas le prix final payé par le patient, puisque le prix des génériques est administré et remboursé à 100 % par la Sécurité sociale pour la plupart des pathologies chroniques. Cependant, une baisse de la rentabilité des officines pourrait entraîner une moindre incitation à la substitution, voire un désengagement partiel du marché par certains laboratoires, au risque de voir apparaître des tensions d’approvisionnement.
La qualité et l’innovation en question
Les remises étant un levier de négociation commerciale, leur encadrement pourrait, selon certains industriels, réduire la capacité des laboratoires à innover, investir dans la qualité des produits ou proposer des services additionnels (formations, outils de suivi, solutions digitales pour les patients).
Analyses et perspectives d’experts
Un compromis fragile et temporaire
L’inscription dans la loi du plafond de 40 % apparaît comme un compromis temporaire, fruit d’un rapport de force défavorable au gouvernement après la mobilisation des pharmaciens. Les experts s’accordent à dire que la question devra être reposée dès 2026, avec la perspective d’une baisse progressive du plafond à 25 %, puis 20 % à l’horizon 2027, conformément aux orientations initiales du ministère de la Santé.
Vers une refonte du modèle économique de la pharmacie
La crise des remises révèle la vulnérabilité du modèle économique des pharmacies françaises. Selon plusieurs économistes de la santé, il devient urgent de sortir de la logique de dépendance aux marges arrière (remises) pour aller vers un modèle où la rémunération du pharmacien repose davantage sur la valeur ajoutée de ses missions de santé publique. Cela suppose un engagement fort de l’État pour revaloriser le métier, soutenir la modernisation du réseau et garantir la viabilité des petites officines.
Les enjeux industriels et stratégiques pour la France
Enfin, la régulation des remises sur les génériques s’inscrit dans un contexte plus large de souveraineté sanitaire. La France, confrontée aux défis de la relocalisation de la production pharmaceutique et à la sécurisation de ses approvisionnements, doit veiller à ne pas fragiliser davantage une filière déjà sous tension, au risque de dépendre de fournisseurs étrangers et d’accroître les risques de pénurie.
Conclusion : Un dossier à suivre de près
Le vote des députés fixant à 40 % le plafond des remises sur les médicaments génériques, le 8 novembre 2025, marque une étape clé dans la régulation du marché du médicament en France. Derrière cette mesure technique se jouent des enjeux cruciaux pour la pérennité du réseau officinal, la stratégie industrielle pharmaceutique et l’équilibre financier de la Sécurité sociale.
Si le compromis trouvé offre une respiration temporaire aux pharmaciens, il ne règle pas la question de fond : comment garantir à la fois l’accès aux soins, la viabilité économique des acteurs et la soutenabilité du modèle social français ? Le débat sur les remises n’est sans doute que le premier acte d’une réforme plus large du financement de la santé, qui devra associer tous les acteurs pour inventer un nouveau modèle, à la fois plus juste, plus efficace et plus résilient.
Les prochains mois seront décisifs : la concertation annoncée par le gouvernement, les évolutions législatives à venir et la capacité des acteurs à innover dans leurs pratiques détermineront l’avenir du médicament générique en France… et, au-delà, l’avenir de notre système de santé solidaire.
---
❓ FAQ - Questions Fréquentes
1. Pourquoi le vote fixant le plafond des remises à 40 % est-il important ?
Ce vote, intervenu le 8 novembre 2025, dépasse un simple réglage technique. Il touche trois enjeux majeurs : la pérennité du réseau des pharmacies (notamment en zones rurales), la stratégie industrielle du médicament (attractivité du marché français pour les génériqueurs) et l’équilibre financier de la Sécurité sociale. Il intervient après une forte mobilisation des pharmaciens face à un abaissement provisoire du plafond à 30 % décidé en août. En l’inscrivant dans la loi, le Parlement stabilise temporairement le cadre (40 %) et retire au gouvernement la possibilité de modifier ce plafond par simple arrêté. Ce compromis vise à apaiser la profession tout en poursuivant l’objectif de maîtrise des dépenses de santé, dans un contexte de déficit de la Sécurité sociale estimé à plus de 13 milliards d’euros en 2025.
2. C’est quoi une remise commerciale et un ‘plafond de remise à 40 %’ ?
Les remises commerciales sont des réductions accordées par les laboratoires de génériques aux pharmaciens, négociées de gré à gré. Elles constituent une source de revenus importante pour les officines et compensent la faiblesse des honoraires de dispensation. Le ‘plafond de remise’ fixe le niveau maximum légal de ces remises. Depuis 2014, ce plafond a évolué, passant d’environ 17 % à 40 % plus récemment. Le plafond à 40 % signifie qu’un laboratoire ne peut pas accorder plus de 40 % de remise sur le prix concerné. En encadrant ce levier commercial, l’État cherche un équilibre entre soutien économique aux pharmacies, compétitivité des industriels et maîtrise des dépenses de l’Assurance maladie.
3. Quels médicaments sont concernés et que signifient ‘princeps alignés’, ‘biosimilaires’ et ‘hybrides’ ?
Le plafond de 40 % s’applique aux médicaments génériques. Depuis un arrêté du 6 mai 2025, il s’applique aussi aux ‘princeps alignés’, c’est-à-dire aux médicaments de marque dont le prix a été aligné sur celui du générique. En revanche, les biosimilaires sont soumis à un plafond distinct fixé à 15 %. Les médicaments ‘hybrides’ bénéficient également d’un plafond spécifique (distinct de 40 %), sans que le niveau soit détaillé ici. Ces distinctions reflètent la volonté des pouvoirs publics d’adapter l’encadrement commercial aux différentes catégories de produits, selon leurs caractéristiques de marché et de régulation.
4. Que change concrètement le vote du 8 novembre 2025 ?
Le vote inscrit dans la loi le plafond des remises sur les génériques à 40 %. Concrètement, cela sécurise le retour au 40 % rétabli début octobre 2025, en retirant au gouvernement la possibilité de modifier ce plafond par simple arrêté. Le retour au 40 % est effectif depuis le 8 octobre 2025, sans effet rétroactif sur les transactions antérieures, et s’applique jusqu’au 31 décembre 2025. Ce cadrage est présenté comme un compromis temporaire : le débat reste ouvert pour 2026 et au-delà, avec des scénarios de baisse progressive déjà évoqués.
5. Pourquoi le plafond avait-il été abaissé à 30 % puis rétabli à 40 % ?
L’abaissement provisoire à 30 %, annoncé début août 2025 dans le cadre du PLFSS 2026, visait à contribuer à la maîtrise des dépenses de santé et à la réduction du déficit de la Sécurité sociale. Cette décision a déclenché une mobilisation inédite des pharmaciens (grèves, fermetures d’officines, manifestations, blocages), illustrant la fragilité économique du réseau, notamment en zones rurales. Face à cette pression et aux alertes sur les risques de fermetures et d’approvisionnement, le gouvernement a négocié avec les syndicats (FSPF, USPO) et a rétabli début octobre le plafond à 40 % jusqu’au 31 décembre 2025. Le Parlement a ensuite entériné ce niveau dans la loi le 8 novembre.
6. Quel rôle jouent les remises dans l’économie des pharmacies ?
Pour les officines, les remises sur les génériques sont essentielles. D’après la FSPF, elles représentent jusqu’à 30 % de l’excédent brut d’exploitation (EBE) des pharmacies, et jusqu’à 50 % pour les plus fragiles ou rurales. Elles financent les coûts fixes (loyers, salaires, charges), les investissements (modernisation, digitalisation), les services (gardes, amplitudes horaires élargies) et l’accompagnement pharmaceutique (conseil, suivi, prévention). Une baisse du plafond rogne directement ces marges et peut compromettre la capacité des officines à maintenir leur niveau de service et le maillage territorial de proximité.
7. Quels risques sont évoqués en cas de baisse du plafond des remises ?
Les syndicats de pharmaciens alertent sur des risques de fermetures de plusieurs centaines d’officines, avec des milliers d’emplois menacés, surtout en zones rurales. Cela pourrait accentuer la désertification médicale et fragiliser la continuité des soins, les pharmacies étant souvent le premier recours. Côté système de santé, une baisse trop brutale des remises pourrait transférer des coûts vers l’hôpital. Les laboratoires évoquent aussi des risques de désengagement du marché français et de tensions d’approvisionnement si l’attractivité se dégrade, ce qui pourrait in fine pénaliser l’accès aux médicaments.
8. Quel impact pour les laboratoires génériqueurs et l’attractivité du marché français ?
Un plafond bas réduit l’attractivité d’un marché déjà marqué par des prix bas sur les génériques. Des acteurs comme Teva, Mylan ou Biogaran ont alerté sur un possible désengagement au profit de pays offrant de meilleures marges et une concurrence moins intense. Les remises constituent en outre un outil de différenciation commerciale pour gagner des parts de marché. Un encadrement strict limite ces leviers et peut freiner l’innovation dans les relations commerciales (services, accompagnements). À terme, cela peut fragiliser la filière industrielle locale et peser sur la souveraineté sanitaire.
9. Quelles implications pour la Sécurité sociale et son déficit ?
La Sécurité sociale cherche à réaliser des économies sans affaiblir le réseau officinal. La CNAM estime que chaque point de remise en moins pourrait générer jusqu’à 100 millions d’euros d’économies annuelles, des chiffres contestés par les syndicats qui pointent les coûts sociaux potentiels (fermetures, emplois, hospitalisations). Le déficit de la Sécurité sociale est estimé à plus de 13 milliards d’euros en 2025. Le défi est donc d’équilibrer maîtrise des dépenses et maintien de l’accès aux soins, afin d’éviter des effets contreproductifs.
10. Les patients verront-ils un changement de prix ou d’accès aux médicaments ?
À ce stade, la fixation du plafond des remises ne modifie pas le prix final payé par le patient : le prix des génériques est administré et, pour la plupart des pathologies chroniques, remboursé à 100 % par la Sécurité sociale. En revanche, une baisse de la rentabilité des officines pourrait réduire l’incitation à la substitution vers les génériques. Certains laboratoires pourraient se désengager partiellement du marché, ce qui ferait peser un risque de tensions d’approvisionnement. L’enjeu est donc de préserver à la fois l’accessibilité et la disponibilité des médicaments.
11. Pourquoi le marché français du générique est-il sous pression en Europe ?
La France affiche un taux de pénétration du générique d’environ 35 % en volume, inférieur à celui de l’Allemagne ou du Royaume-Uni (plus de 60 %). Plusieurs facteurs sont avancés : politique de prix bas imposée par la Sécurité sociale, marges réduites pour industriels et pharmaciens, et défiance persistante d’une partie des médecins et patients. La régulation des remises est vue par certains comme un frein supplémentaire à l’attractivité du marché, avec un risque d’importations parallèles ou de ruptures d’approvisionnement si les incitations économiques se dégradent.
12. Quelles pistes de réforme du modèle de rémunération des pharmaciens sont envisagées ?
La crise des remises met en lumière la dépendance des officines aux ‘marges arrière’. Plusieurs pistes sont étudiées : développer des honoraires de dispensation indépendants du prix du médicament (rémunérant le conseil et l’accompagnement), diversifier les missions (prévention, vaccination, dépistage, suivi des maladies chroniques) et moderniser la chaîne logistique et les outils digitaux. Le gouvernement a annoncé l’ouverture d’une concertation d’ici fin 2025 avec les syndicats et les industriels pour repenser la rémunération et l’incitation à la substitution, afin de concilier accès aux soins et soutenabilité financière.
13. Quelles sont les prochaines étapes après 2025 ?
Le plafond de 40 % s’applique jusqu’au 31 décembre 2025. Le débat est ouvert pour 2026, avec des projets évoquant une baisse progressive du plafond à 25 %, puis 20 % à l’horizon 2027, conformément aux orientations initiales du ministère de la Santé. Les experts jugent le compromis actuel fragile et temporaire. Les prochains mois seront décisifs : la concertation annoncée, les évolutions législatives et la capacité des acteurs à innover dans leurs pratiques détermineront l’avenir du générique en France et, plus largement, l’équilibre du système de santé.